"Il a reçu l'honorifique "Rêve-Étreint" parce qu'il a le sommeil lourd (oui, encore aujourd'hui, quel chanceux !). Avouez, c'est bête, surtout lorsqu'on découvre qu'il n'aurait pu rêver mieux que devenir aubergiste à l'Ombre du Sycomore. Il ne l'avouera jamais mais aujourd'hui, Nishat peut se dire heureux. Il est un époux (pas vraiment) soumis, sa femme est la grande patronne du lieu et elle veille à ce que son corps ne prenne pas trop de gras et que son esprit ne se ramollisse pas. C'est qu'elle a besoin de lui et que tenir une auberge, c'est du travail, je peux vous le dire. Alors, avec les mômes, c'est encore pire ! Mais notre grand gaillard n'a pas peur de trimer, il aime plutôt ça en vérité. Les journées chargées, ça le stimule et si ça lui évite des heures de ruminations, c'est encore mieux. Car le traumatisme de son accident n'est pas encore effacé de sa mémoire et sans doute ne le sera-t-il jamais. Alors, dans les dernières heures de la nuit, celles précédents l'aube, il devient mauvais et mieux vaut ne pas être sur son chemin à ce moment-là.

Pourtant, c'est un père de famille doux et patient (avec un ...de sacré caractère, mais quand même !), il est même, oui, prévenant ! Toujours là où on l'attend, disponible et protecteur. Il pourrait s'incarner en pilier pour tenir toute la maison, et si vous voulez qu'il se repose, alors mettez-vous y à trois, parce que je peux vous assurer qu'il suffit d'un appel de sa femme ou de ses enfants pour qu'il accourt dans la seconde, même quand il n'en peut plus. C'est une force de la nature, mais Nour a raison de lui imposer du repos car il est encore incapable de se gérer. Il est sans cesse dans le dépassement de ses limites pour les siens, alors oui, heureusement qu'il a le sommeil lourd. Enfin, je devine que ce n'est pas seulement par amour, il y a aussi énormément de reconnaissance.

D'ailleurs, je pense que sa plus grande peur est la décrépitude...ou le vide. Ouais, peut-être le vide. C'est une personne valeureuse et admirable, mais j'imagine qu'il a peur de se retrouver nez-à-nez avec lui. Il devrait le faire pourtant, c'est sain. Oh, souvent, quand les petits sont couchés et jamais devant eux, on l'entend se disputer avec son épouse, toujours pour des conneries d'ailleurs. On dirait qu'ils aiment ça, se chamailler comme chien et chat et puis les jours passent et ils finissent toujours par se rabibocher. Certainement parce qu'ils n'ont qu'eux, après tout."



Nishat ne s’embarrasse pas de coquetterie. Chez lui tout est propre et net, et il a en horreur les choses trop voyantes. Il s'habille sobrement, préfère le confort à la richesse et n'a pour seul bijou qu'une chaîne d'argent la plupart du temps cachée sous ses vêtements.

Grand gaillard qui s'est un peu empâté et qui a sans doute perdu du muscle, Rêve-Étreint ressemble à un ours à qui on aurait fait une mauvaise blague (surtout le matin, il est souvent grognon...), mais n'allez pas le lui dire, c'est un conseil d'ami ! D'un bon mètre quatre-vingt-quinze pour cent kilos, il n'a souvent qu'à se lever pour intimider ceux qui se croient plus malins que lui.  Ses origines Tunguz remontant à deux générations ne transparaissent que dans les traits de sa figure, le reste est Kigallu et peut-être un peu Arallu ou même Dayak... En tout cas il est métissé.

Ses airs ursidés sont soulignés par une pilosité faciale fournie, drue et noire mais entretenue et le stoïcisme de ses expressions finissent de lui conférer un caractère ombrageux, sinon une bonhomie tranquille. Ça dépend beaucoup du regard qu'on lui porte et c'est souvent tout ou rien avec lui. Son visage a des traits durs, dont les rides sont encore pleines de soucis. Il est même courant d'oublier la couleur de ses yeux (au demeurant bleu-gris) tant les portes de son âme semblent bien gardées. Paradoxalement, c'est une pilosité bel et bien fine qui protège le reste de son corps. Surprenant là aussi, si on exclue la terrible cicatrice qui lui prend et lui creuse tout le mollet, jusqu'à lui déformer le genou gauche (et donc, lui donner une démarche gauche (haha, que je suis drôle...)), Nishat semble vierge de toute cicatrice : une honte autant qu'une fierté pour lui.

Malgré tout cela, il est capable de sourires chaleureux. Il n'est même pas rare de voir son regard brillé de malice et son nez est tout aussi droit que sa vision des choses. De même, ses mains sont habiles et digne de confiance. Tout comme lui, elles ont à coeur de bien faire. Un fin observateur découvrira la véritable tendresse du personnage qui parfois, quelques rares fois, resurgit tout-à-coup sur ses traits avant de disparaître tout aussi vite.

En bref, n'embêtez pas trop Nishat sur son apparence dont il n'a que faire en vérité, vous pourriez être surpris.


Son existence a commencé au milieu des brebis et des agneaux. Par un frais matin de printemps, alors que sa mère s’affairait à la traite, il s’était subitement demandé s’il n’avait pas déjà vécu ce moment. Et pour cause... Depuis que Nishat savait marcher, il aidait ses parents dans leur humble exploitation qui se composait en tout et pour tout d’une petite maison de bois, de quatre poules, d’un coq, de deux chèvres, d’un troupeau d’une dizaine de moutons, d’un âne, d’un chien, de quelques chats, d’un petit potager et enfin, d’une vaste étendue de millet qui les nourrissait tous. C’était là l’intégralité de leur petit univers et ils trimaient de l’aube au coucher du soleil pour en prendre soin, s’accordaient parfois une sieste dans l’herbe jaune et vivaient avec les saisons. Nishat n’eut pas deux ans qu’une petite fille les rejoignit, rapidement mise au pas elle aussi, puis un autre garçon. On ne lui donnait pas six ans qu’ils furent trois à se serrer les coudes afin de ramener les œufs au chant du coq, de suivre leur père dans son rôle de berger, de capturer les bêtes qui allaient être vendues au marché puis de s’occuper de l’exploitation de millet jusqu’au repas du soir, le plus souvent frugal : des graines gonflées dans du lait, quelques morceaux de légumes et si on avait encore faim, un fruit du verger voisin.

Le temps passe vite lorsqu’on est occupé. Une dizaine d’années s’en fut en une journée. Les enfants grandirent : Odval commença à raccourcir sciemment ses jupes, à prendre mieux soin des étoffes héritées de sa mère qui les tenaient de sa sœur, mêla parfois des fleurs à sa chevelure brune, épaisse et raide. Nishat aida moins, il se prit à bâcler le travail pour aller traîner en ville de temps à autres ce qui lui valut de bonnes remontrances, de belles bosses et de grandes plaies... Et le petit dernier continuait à épauler leurs vieux parents qui s'acharnaient toujours à la tâche malgré leurs dos tordus et leurs doigts gelés par le trop mauvais temps. Le dernier mois de vie de ces derniers, emportés par la maladie et la fatigue dans l'indifférence générale, leur parut par contre tout aussi brutal qu’interminable.

Puis, on se releva de la peine du deuil et du goût du manque. Odval devint Fleur-des-Champs. Elle se maria dans l’année. Il fallut vendre la ferme pour faire bonne figure à la cérémonie, sans compter que tout ça était devenu trop de travail pour le jeune Hisham. Les deux frères vivotèrent dans Shurug sans jamais se résoudre au désespoir, offrant leurs mains de ci, de là. Finalement le verger anciennement voisin vint chercher le dernier qui s’était fait une réputation de travailleur... Puis, ce fut soudainement le calme plat.

L'aîné fut livré à lui-même.
Complètement seul.

Alors que ses jours prirent le goût amer de la jalousie et de l'injustice, alors qu'il perdait peu à peu l'envie de profiter de l'hospitalité de Shurug pour sa survie, lui qui avaient des mains puissantes mais désespérément vides, trop pour témoigner sa reconnaissance, il fit la connaissance de Coda Joue-le-Singe lors d'une rixe dont il participa à limiter les dégâts collatéraux. Malgré la gaminerie apparente de ses comportements et le curieux et désinvolte sourire qu'il adressait aux événements bons comme mauvais, il parut clairement à Nishat que Joue-le-Singe était doté d'une vive intelligence et surtout d'une grande perspicacité presque effrayante, frisant la clairvoyance, qui lui avait valu sans aucun doute son rang au sein de la garde. Il se révéla une présence encourageante, puis un ami, enfin un modèle à suivre, si bien que Nishat s'engagea sous ses ordres peu de temps après leur rencontre.

Rapidement, ils furent affectés à la surveillance de la Lande sous le commandement de guerriers du clan du Soleil. Et si Nishat parvint à s'illustrer parmi les siens, surtout en veillant à la sécurité des têtes-brûlées et des autres bleus du groupe, il ne fut bientôt plus question pour lui de se présenter par son nom d'enfant. Il céda face aux encouragements appuyés (et fatigants surtout) de ses pairs : on l'appellerait Rêve-Étreint, désormais. À vingt ans et après à peine deux mois passés dans la Lande, il avait enfin vécu sa Nuit Voilée.

Neuf années passèrent ainsi, entre tranquillité et brusquerie, entre grands ennuis et violents mouvements. Malgré un naturel accommodant et un sens du devoir appuyé, Rêve-Étreint n'eut jamais l'occasion de gravir les échelons par manque d'éducation, peut-être aussi par trop bon cœur et peur de décevoir. En parallèle, de grands noms pistonnaient leurs enfants vers les hautes strates de la société, il voulait bien comprendre cela et ne fut jamais étonné par la jeunesse et l'inexpérience de ses supérieurs, habitués à réparer les pots cassés en amont. Il connut des amourettes avec certains de ses compagnons, rien de bien sérieux, juste un moyen de renforcer les liens et de témoigner son amitié. Coda Joue-le-Singe, qui était encore présent pour lui, se rendit compte que, bien que Nishat n'était pas ambitieux, ce qui se jouait n'était pas juste et intercéda plusieurs fois en sa faveur en rapportant ses actes aux officiers de la garde. Malheureusement, le destin l'arracha à celle-ci bien avant que son ami arrive à ses fins...

Il boita du jour au lendemain, traînant sa jambes à jamais meurtrie et pleine d'amertume et de regrets qu'il noya dans la chaleur de l'alcool. Les images violentes aussi. Surtout. Il était retourné à la case départ mais sans sa mobilité, plus misérable encore que lors de son adolescence, alors pour une fois, il se laissa porter par la furie du moment, fatigué de la morne tiédeur de son existence. Un aller en enfer, ça allait. Pas deux. Complètement fourbu par des nuits pas bien glorieuses, il trébucha à l'Ombre du Sycomore où un bol de fèves, une seule bière et beaucoup de tranquillité suffirent à le requinquer. Du moins assez pour qu'il ramasse les morceaux de son cœur trop con et qu'il aille aider le personnel. Après quoi, sans force, il s'assoupit près du feu.  

Les Dieux l'avaient guidé jusqu'au sein de cette auberge, bien qu'il ne voulait guère y croire. En tout cas, Nishat ne put jamais en repartir, quand bien même Joue-le-Singe était venu lui rendre visite et avait fini par le présenter à une troupe de mercenaires, quand bien même bien d'autres s'étaient attablées devant lui alors qu'il rinçait les couverts ou qu'il préparait les plats, la main tantôt encourageante, tantôt amoureuse de Nour s'était toujours posée doucement sur son épaule et il s'était mis à y réfléchir deux fois, puis à franchement douter de ses aspirations au fil des années, jusqu'à les oublier complètement...ou presque.

On avait encore besoin de lui ici, surtout depuis la naissance de Aida qui avait tout l'air d'être sa fille, surtout depuis la mort de Coda,  qui avait affecté Nour autant que lui-même, surtout aussi depuis que Jelal était venu au monde et que la petite Yul-Saa s'était invitée. Surtout depuis qu'il s'était marié. Quel père serait-il, et quel mari, délaissant sa jeune cavalerie pour un peu de sang ? Il verrait cela quand il serait mort.  
Et depuis ce fameux hiver, son épée n'en finissait plus de prendre la poussière.  


Personnage sur l'avatar : Carlnes, OC de aenaluck.
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Un petit mot doux ?  

Re-re bienvenuuee, tu connais la maison maintenant ! =)

Re-bienvenue par ici Amuses-toi bien avec ce nouveau perso ^^