Le roulis des vagues fait échos aux battements de nos cœurs ~

Vagues & CœursStygian & NishatI don't care about their different thoughts Different thoughts are good for me Up in arms and chaste and whole All God's children took their toll
(Rigmor Gustafsson→ Twist In My Sobriety)La vie c’est comme les vagues, ça n’arrête jamais d’aller et venir, inlassablement, peu importe le temps qu’il fait… et même si il y a des période où plus rien ne bouge il est rare de vouloir que notre vie ne cesse d’avancer. Mieux vaut laisser passer la vague, les souvenirs s'accrochent dans nos coeurs comme l’écume sur le rivage mais elle finit toujours par être effacée par une nouvelle vague qui vient puis s’en va. C’est en regardant le bord de l’eau plutôt calme aujourd’hui que Stygian réalisa que sa vie était dans l’attente d’une vague qui serait à l’origine d’une décision, d’un choix, d’un chemin qu’il prendrait enfin.

Les dernières lui avaient apporté plus de bonheur qu’il n’en avait jamais eut ! D’abord sa soeur qu’il avait trouvé et à laquelle il c’était attaché sans crainte ni entrave… mais la vie l’avait retiré de la sienne, pour son bonheur qu’il respectait et souhaitait plus que tout bien entendu. Mais un nouveau roulis avait fait glisser sur le rivage de son coeur un amant, bien différent de l’image qu’il s’en faisait mais qui lui avait permis d’accepter un peu plus celui qu’il est, sa différence et surtout de comprendre qu’il était prêt à tout pour une chose si simple et si difficile à la fois : être aimé.

Le prêtre était prêt à beaucoup de sacrifice si en échange de ceux là il pouvait obtenir de l’amour d’une personne, un amour pure et inconditionnel, sincère et profond, passionné et tendre à la fois. Il avait toujours pensé que son bonheur se trouvait dans la liberté, mais il est plus que certain maintenant que pour l’amour il renoncerait à sa liberté en s’offrant corps et âme à la personne qui l’accepterait tel qu’il est. Cela n’avait été qu’un prélude, un moyen pour lui de réaliser toutes ces choses et maintenant qu’il était à nouveau seul, l’écume disparaissant petit à petit de son rivage il savait qu’il ne devait plus rester dans l’attente mais bien aller plonger de lui même dans la prochaine vague.

D’ailleurs aujourd’hui était un premier pas en avant, il voulait assumer ses actes et ses choix, même s’il ne savait pas encore comment s’y prendre pour mener à bien ses désirs, il ne pouvait rejeter la faute sur les autres ou se plaindre encore une fois. Il avait compris grâce à une rencontre qu’il avait pourtant redouté qu’il était finalement le seul maître de sa vie quoi qu’on lui ait inculqué depuis son plus jeune âge. Il ne voulait plus fuir en courbant l’échine, ni se cacher parmis la foule, il était temps d’assumer et de partir la tête haute ! Il aurait pu monter sur un cheval et quitter la ville mais s’il était courageux et aventureux, il n’était pas inconscient pour autant. Il devait se préparer, un minimum, trouver quelqu’un pour l’aider peut-être ou le guider tout du moins ?

Mais avant il voulait faire ses adieux, tester cette nouvelle vision qu’il avait du monde, du temps et de sa vie. Voilà comment il se retrouva vers le port en ce milieu de matinée, loin de son temple dans lequel il n’avait pas mis un pied… il n’en avait pas l’intention d’ailleurs, il avait décidé qu’aujourd’hui il n’irait pas et le jour prochain non plus ! Mais pour une fois ce n’était pas un poids sur ses épaules qui le faisait courber l’échine et rabattre sa capuche sur sa chevelure blonde. Il prenait sa vie en main dégustant enfin le plaisir d’être à l’endroit où il le souhaite, où ses pas l’ont mené, sans que son coeur ne saigne. Le temple n’a jamais été son lieu, son désir, son refuge… il n’était pas mauvais, seulement il n’a jamais été sien et peut-être qu’un jour, il l'espérait en tout cas, il pourrait y retourner et se l’approprier comme un cadeau et non plus comme le fardeau qu’il est à ce jour.

Enfin décidé à profiter de cette journée, peut-être la dernière dans le port de Shurug, Stygian avait décidé que ça serait une journée en oui. Une de celle où le non disparaît de son vocabulaire sans que cela n’aille à l’encontre de ses principes, pour amener le plus d’expériences et d’ondes positives dans son coeur. Il voulait des souvenirs marquant, des moments intenses et provoquer des sourires autant sur son visages ou dans son coeur. Ses pas le guidèrent vers une auberge alors que le soleil avait grimpé dans le ciel se rapprochant doucement de son point culminant. Il est de ceux qui aime les plaisirs simples et il n’était pas contre l’idée de boire et manger au milieu de ceux qui font la vie dans cette ville. Au contraire, ici il se sentait plus proche de sa vérité, que dans les soirées mondaines qu’il appréciait mais sans y être attaché.

Ainsi il passa le pas de la porte, le jupon blanc qui effleurait ses chevilles laissait voir le laçage de ses sandales qu’il avait ressorti pour les beaux jours, mais son corps était couvert d’un long manteau fin et près du corps d’un bleu sombre à l’ouvrage clair aux reflet d’argent. Il ne cachait pas sa bonne naissance mais sans étaler son statut… les bijoux qu’il aime à porter étaient contre sa peau à l’abris des regards et seul son grand sourire, aux lèvres pleines et ourlées, illuminait son visage comme un joyaux inestimable. Le tout encadré par ses boucles blondes et lourdes de sa chevelure qui n’avait pas attendu bien longtemps pour pousser à lui en effleurer les épaules… bientôt l’été serait là et il les couperait mais la chaleur n’était pas étouffante pour qu’il s’en débarrasse maintenant.

Il s’approcha du comptoir, sachant déjà ce qu’il souhaitait commander mais son corps se figea quand son regard se posa sur le tenancier. Une drôle de sensation parcouru son échine quand ses prunelles détaillèrent son profil. Il avait la même carrure et un faciès similaire à une très vieille connaissance de l’Hundra… une personne qui l’avait aidé à mettre un mot concret sur la sensation de “liberté”, ce sentiment enivrant et grisant qu’il aimait par dessus tout. Ce n’était pas lui, il était trop grand et à la carnation trop clair mais par sa mâchoire, sa chevelure sombre, sa barbe et ses épaules larges… oui il avait tout de son Anisha, fils de Quilin venant du peuple Tunguz… celui qui avait partagé sa Nuit Voilée. Ils dégageaient une aura similaire, en tout cas à juste le regarder bouger en silence, d’ailleurs Stygian resta quelques longues minutes à le regarder laissant ses souvenirs se superposer à cet instant. Son sourire fut moins grand mais bien plus beau car emplit de sentiments allant de la tendresse à la passion en passant par la joie certaine. Il avait l’impression que la boucle était en train de se boucler…

- Bonjour… je vais prendre… enfin… d’abord serait-il possible de connaître ton nom ? Oui je sais que cela peut surprendre mais... Tu me rappelles un ami que je n’ai pas vu depuis bien longtemps… avant de te voir je n’avais pas réalisé qu’il me manquait autant... Anisha c'est son nom… J’aime son nom... et je n'ai pas aimé que ça d'ailleurs... Il m’avait servit une liqueur de miel et tout en parlant avec lui une partie de la nuit je n’ai pas arrêté de grignoter les fruits et graines qu’il m’avait offert dans un grand plat en bois… Des souvenirs qu’il me semblait avoir oublié jusqu’à cet instant… Cela me semble une bonne idée... je vais prendre une liqueur de miel et un bol de fruit et de graines je te prie… tenancier au nom qui m’est encore inconnu !
2981 12289 0

Les milieux de matinées étaient généralement calmes à l’Ombre du Sycomore et celui-ci ne faisait pas exception, seulement animé par les départs des clients qui rendaient leurs chambres et s’en allaient. La plupart du personnel s'affairaient d’ailleurs à l’étage dans le ménage des différentes chambres non-occupées, laissant Nishat et un autre adulte seuls au comptoir et au service alors que les enfants s’amusaient dans un coin, Aida montrant à Jelal comment fabriquer un navire avec presque rien et s’amusant avec ses créations et la petite Yul-saa dormant calmement en bavant dans le dos de son supposé père.

Rêve-Étreint contemplait le soleil tourner aux jeux d’ombres et de lumières qu’il provoquait sur les tables cirées. Tout bientôt, les ventres se crisperaient de faim et les premiers clients passeraient la porte. Hafsa confectionnait déjà de quoi nourrir les marmots tandis que son épouse cuisinait de délicieux beignets aux légumes qui orneraient toutes les assiettes de ce midi et dont le fumet épicé embaumait déjà la salle de restauration couplée à la pièce de réception.

Enfin, quoique peut-être un peu tôt, la porte s’ouvrit et fit retentir la clochette : le premier client s’était introduit dans l’Ombre du Sycomore et pas des moindres, à la vue de la facture des vêtements qu’il portait. Mais l’étude -quoiqu’en vérité, assez superficielle- de Nishat eut pour une fois une réciproque, et appuyée s’il-vous-plaît. Tant et tant, que la montagne qu’il était, pourtant sûre-d’elle en toutes occasions, se prit à rougir comme une jeune fille effarouchée et à détourner les yeux sous la surprise. Une réaction certes naturelles comme il ne s’y attendait pas mais qui semblait lui poser un cas de conscience.

Soumis à sa nervosité, ses mouvements devinrent plus vifs à la manière des pensées qui roulaient dans sa caboche. Les verres et les récipients s’enchaînèrent sous ses gestes plus certains que lui et il en eut bientôt toute une ronde à une vingtaine de doigts sous le comptoir. Si cela se trouvait, cette jeune personne était un mercenaire et viendrait le recruter, il devrait encore trouver la force de refuser. Il en était épuisé d’avance.

Mais non, non : il ne s’agissait pas là d’un mercenaire, non non. Et ce qu’il lui rendit tout-à-coup le fit éclater d’un rire doux et profond qui le lava aussitôt de toute nervosité et le dérida, si bien que ses yeux gris-bleu brillèrent sous ses épais sourcils. Éh bien ! Il n’avait jamais reçu de demande aussi alambiquée et saugrenue depuis qu’il travaillait dans cet établissement, ni même lors de sa courte carrière militaire d’ailleurs...

“Nishat Rêve-Étreint.” l’informa-t-il tandis que les commissures de ses yeux étaient encore relevées. “Et vous ?”

La barrière de la relation clientèle avait cédé rapidement et simplement. Il semblait clair à l’ancien soldat que ce n’était certainement pas seulement pour déguster une liqueur de miel et un plat de graines et de fruits que cette personne était venue le voir. Et il se trouvait plutôt ravi de se divertir avec une nouvelle rencontre, car cela faisait longtemps qu’il souffrait de la lassante répétition de ses actions en cet humble lieu.

“Ma mère m’a dit un jour que dès que vous pensez à quelqu’un, la réciproque est vraie. Peut-être que ce Anisha vient de vous retrouver dans les traits d’un autre...ou bien d’une ? J’imagine l’expérience assez troublante.” déclara-t-il en révélant ses dents dans un sourire fugace mais chaleureux. “Où cet Anisha est-il aujourd’hui ?”

Vagues & CœursStygian & NishatEe how I'm walking See how I'm talking Notice everything in me Feel the need, oh Feel, feel the need in me I need you by my side To be my guide Can't you see my arms Are open wide, mm hmm (Detroit Emeralds→ Feel the need in me)Comme les vagues, il y aura toujours des comportements, des regards, des habitudes, des situations qui se reproduisent encore et encore en laissant sur le sable une trace qui dès fois n’a pas le temps de s’évaporer pour être ravivée ! Stygian en connaissait un petit nombre, de ces choses récurrentes qui se présentent dans sa vie, dans son quotidien… et malgré qu’il y soit confronté depuis petit, il n’a jamais réussi à s’y faire complètement. Ainsi il lui arrive aujourd’hui encore de sentir sa poitrine se serrer quand il sent que son genre passe avant sa personne, que son statut prévaut sur sa personnalité… Il a l’impression d’enchaîner les batailles sans qu’il ne puisse jamais voir la guerre se terminer !

Des prunelles qui se détournent de lui, une grande carrure qui se courbe légèrement, des joues qui s’empourprent à cause de tout ce que cela implique et signifie… devrait-il en être flatté ? Il en est plutôt lassé, un mélange entre l’habitude et la fatigue de devoir toujours combattre les a priori de ceux qu’ils rencontrent… mais d’ailleurs, il est certain qu’en ce jour il rencontre la première fois ce tenancier. Se tromperait-il sur la raison de son empourprement ? Ne se détourne t-il pas ainsi de lui parce qu’il le sait Hundra ? Le rouge monta aux joues de Stygian en une seconde car il voyait sous un nouvel angle les réactions du brun face à lui… et il préférait les voir comme de la flatterie !

Il s’en voulait presque d’avoir mal interprété les signaux du barbu. Habitué à ce qu’on l’évite et l’encense pour être un Hundra… il en avait presque oublié qu’un inconnu ne pouvait le deviner seulement d’un regard. Le rougissement et la nervosité de l’homme face à lui devait provenir d’autre chose… peut-être d’une grande timidité ? Ce qui serait étrange pour un tenancier ! Ou peut-être que c’était vraiment de la flatterie, une attirance physique de sa jolie personne ? Mêlé à une gêne de ne pas réussir à le catégoriser d’un regard… peu importe ! Stygian était plus que ravi de provoquer ce genre de réaction et il n’allait pas se priver pour en profiter et ainsi remonter son moral !!

- Nishat… n’est-ce pas étrange, à une lettre près tu as le même prénom que l’homme dont je te parle… Cela ne fait qu’accentuer un peu plus la ressemblance…

Il trouvait Rêve-Etreint très agréable, autant à regarder qu’à écouter ! Sa masse imposante était adoucie par son regard et mise en valeur par son rire communicatif. Il avait vraiment toutes les qualités pour ce retrouver derrière ce comptoir et cela donnait à Stygian le désire d’en savoir plus… sans parler qu’il sentit un papillon dans son ventre s’éveiller en l’entendant le vouvoyer, une chose qu’il avait appris grâce au père d’Anisha ce dernier ayant partagé les traditions et coutumes des Tunguz.

- Rêve-Etreint, ton honorifique me donne envie d’en savoir plus sur toi… Est-ce une habitude de vouvoyer ses clients ou as-tu des origines Tunguz ? En tout cas je suis Stygian… je te parlerais du reste quand tu auras assouvi tous mes désirs…

Ceux de sa curiosité, de sa soif et de sa faim et aussi du plaisir d’écouter et de découvrir une nouvelle personne loin de sa vie actuelle et plus proche par le souvenir de sa vie passée. Le prêtre ressentait comme un besoin de se remémorer ce qu’il a été pour peut-être enfin réussir à définir ce qu’il va devenir, ou en tout cas de trouver le courage de se lancer et plonger tête la première dans l’océan qui lui a toujours fait face. Alors qu’il était ouvert et à l’esprit moins gris que plus tôt il ne vit pas cette question sur son genre comme d’un mauvais oeil, au contraire Nishat l’avait posé sans que cela ne soit un impératif d’y répondre et de ce fait Stygian n’était pas contre de lui partager ses souvenirs. Les sourires étaient échangés entre eux, chaleureux, polis et avec un soupçon d’amusement pour Stygian, son regard brillait d’un désir de découverte, d’une once de liberté sans oublier une bonne dose d’audace et d’une envie de jouer au badinage innocent… pour le moment.

- Tu dis de belles choses Nishat, cela me plaît que d’imaginer ce beau et viril tunguz en train de penser à moi… et cela me fait sourire parce que peu importe le genre, qu’il soit face à un Shamshu ou une Inanna, jamais il ne pourrait me retrouver pleinement… vu que je ne suis ni l’un ni l’autre... ni plus ni moins... Il ne pourra que penser à moi et au désir, je l’espère, qu’il aurait de me revoir ! Je ne sais où il est, cela va faire dix années que j’ai fuit ma Nuit Voilée pour la terminer en sa compagnie, sous les toiles tendues de sa yourte. Une seule nuit… mais qui a changé beaucoup de chose et je ne parle pas seulement de mon apprentissage merveilleux des plaisirs charnels !

Son rire ricocha entre les murs de l'auberge et son plaisir de se trouver ici n'en fut qu'accentuer. Il se sentait bien là, il savait qu'une lourde décision l'attendait, qu'il devait la prendre et il ne l'a repoussait pas ni ne la fuyait... seulement la vie mérite d'être vécue, peu importe les obstacles et il comptait bien de profiter de ce moment ! Il allait combler ses désirs, son besoin de chaleur humaine, de nourriture, de boisson, pourquoi pas d'une légère ivresse et d'une sensation grisante... car au fond il avait déjà choisi son chemin et il était temps de faire des adieux souriants et lumineux à la ville de son premier quart de siècle.
2981 12289 0