La folie du coeur

Moon light ¤ Au-delà des cotons nuageux, la lune et ses sœurs, les étoiles, ont pris place dans l’enveloppe céleste. La ville se tût petit à petit pour laisser s’éveiller les plus horribles actes que la nuit peut camoufler. Là, dans les quartiers pauvres, se propage une faible fumée parfumée à travers les rideaux faisant office de portes. Les plus curieux n’osent s’y attarder, craignant de voir une lame se faufiler sous leur menton. Ou bien est-ce l’odeur, une fois inhalée, qui leur tire l’estomac. Cette vapeur n’est pourtant que le résultat d’une infusion de plantes colorées, les plus dangereuses. Dissipé dans la noirceur du bâtiment, un homme était à l’origine de cet artifice. Sa peau mate arborait des teintes nouvelles, dessinées par les bougies qui s’amenuisent. Son regard, doré, dansait face à la concoction lugubre tandis que ses mains, prudente, agrippait le réceptacle pour la déverser sur une lame, puis une seconde. Le liquide glissa le long du métal avant de se retrouver piégé dans un nouveau récipient. Il était temps. Le seul rayon lunaire qui se faufila à travers les tissus suspendus alerta le shamshu. Retournant dans leurs fourreaux, les deux lames vinrent habiller la taille de l’esclave. Une cape longue se glissa sur ses épaules alors qu’une capuche vint recouvrir sa tête. Seuls ses iris mordorés se propageaient dans la silhouette assassine lorsque les bougies moururent.

Nul ne le remarqua dans les ruelles de la ville. La populace nocturne était  trop occupée à profiter des yeux aveugles de la société. L’homme faisait de même. Depuis quelques années maintenant. Il avait juré ôter la vie des dangers de sa maîtresse et bien qu’aujourd’hui, elle ne fût plus, il n’avait point terminé son office.
Zigzagant dans le centre-ville, ses pas le menèrent vers les thermes, non loin de la maison de sagesse qu’il connaissait si bien. C’est d’ailleurs lors d’une de ses sorties, qu’il fit la connaissance de sa cible. On lui présenta comme une personne au grand cœur, aidant son prochain. Il n’était qu’un profiteur et manipulateur, cherchant à soumettre le temple de Gula à sa dictature. L’esclave se devait de protéger ceux qui étaient les siens autrefois.

Après avoir vu l’intégralité des nobles quitter la plaisance de l’eau, le shamshu se faufila à l’intérieur. Il y a de cela quelques jours, il avait donné rendez-vous à cet homme de convoitise, lui jurant avoir des informations qui le mèneront à sa gloire. Folie. Pour un homme comme Shamasis, il était bien simple de manipuler en retour l’esprit de ces vils. La simple idée de le voir nouveau dirigeant de Gula le répugnait. Il était temps de mettre fin à cette conviction puérile.
Les yeux de l’esclave tombèrent enfin sur le noble, dont l’air hautain serpenta entre ses lèvres à la demande de sa venue. Le shamshu ne rétorqua nullement, préférant avouer son acte prochain par son regard indescriptible. Le temps de la parole n’est plus. Camouflé derrière sa cape, Shamasis agrippa la dague préparée. Il l’envoya sur sa cible qui esquiva de peu. Néanmoins, l’épaule avoua être touchée par l’écarlate qui s’en dégagea. La manipulation se transforma en peur sur le visage de l’homme qui s’écroula au sol, faisant face à la haute silhouette. Elle le jugeait de ces actions. Le coup de grâce ne tarda point à surgir de la seconde lame lorsqu’un élément extérieur fit son apparition.

Shamasis fut frappé avec force dans le buste, le forçant à reculer. Ses yeux assassins se posèrent sur l’individu. Il s’interposa entre lui et sa cible qui tremblait comme un chiot. Les paroles du nouvel homme ne l’atteignirent pas. Il savait ce qui s’était passé. Il avait assisté à Son apparition. Il savait aussi que ce monde est entaché par ceux au cœur mauvais. Tel que le noble qui essaya de se relever sous la demande brusque du sauveur. Il n’en fit rien. Son corps devait déjà s’engourdir. Malgré la distance, l’esclave remarqua la nouvelle teinte du sang qui s’écoulait de la blessure. Le carmin se transforma en liquide violâtre tandis que le souffle saccadé laissait savoir son incapacité à respirer normalement. Il n’aurait donc point besoin d’assigner un second coup, bien qu’il n’était pas dans son habitude de faire souffrir les futurs défunts. Finalement, le noble disparu de son champ de vision.

Le shamshu reporta alors son attention sur le sauveur. Il n’arbora aucunement une position offensive. Il n’avait pas l’intention de le tuer. L’inverse n’était pas certain. Cependant, les témoins étaient une gêne. Il fallait lui faire oublier. Les plantes seraient à nouveau son alliée lorsqu’il l’aurait étourdi.
Shamasis rangea sa seconde lame dans le fourreau. Elle était bien trop dangereuse pour l’acte qu’il s’apprêtait à soumettre. Finalement, il ne fit que se mettre de profil face à l’homme héroïque. Son visage ne quitta cependant pas sa direction d’origine. Quitter des yeux un ennemi et il vous le rendra par ses coups.

 
 
 

 

 
 

La folie du coeur

No way to live ¤ La scène débuta par son assaillant qui ne retint nullement ces coups. D’estoc en estoc, la lame ennemie se rapprochait dangereusement de sa peau, tranchant ici et là la cape qui lui servait de camouflage. Il était impassable de rester désarmé. Son adversaire était loin d’être un étranger au combat. Il fallait agir. Néanmoins, Shamasis se refusait à dégainer l’arme empoisonnée à sa taille. Son objectif n’était pas de faire des témoins blessés. Il comptait simplement le mettre à terre et s’échapper.
Ses pupilles osèrent se tourner vers la dague qu’il avait lancée contre sa cible. Encore au sol, elle avait déjà propagé en grande partie son venin. Elle était sa seule échappatoire pour survivre sans blessure. Tandis qu’un nouvel estoc transperça sa cape, il réussit à l’esquiver de peu grâce à un pas sur le côté. Profitant de cette ouverture, l’esclave s’empressa de prendre en main celle qui lui servit de parade pour le prochain coup. Des étincelles crépitèrent à l’impact alors que le chant des lames vogua dans les alentours. Elles n’étaient que les premières d’une longue série.
Une faible pause s’interposa dans le ballet avant que le shamshu reçoit un nouvel assaut, plus fort, plus violent. Malgré les nombreuses déviations de lame, il y mettait trop d’efforts et risquait à de multiples reprises de se faire toucher. Shamasis prit la décision de riposter afin de fatiguer son opposant. Chaque attaque était calculée, millimétrée pour ne trancher que le tissu porté.
Shamasis profita du temps mort qu’osait prendre son adversaire pour reprendre ses distances et scrutait la prochaine attaque. Encore plus brutale, le sauveur semble perdre patience et décide de mettre davantage de son âme dans ce combat. L’esclave, lui, ne perdait nullement son sang-froid, ne cherchant qu’à fatiguer son adversaire pour en profiter. Puis, l’ouverture se présenta dans une courte fenêtre. Il réussit à assigner le coup qui désarma l’homme. Cela ne suffit pas. Ce dernier vint offrir son poing contre le sien, l’obligeant à lâcher prise sur la dague dont le fracas sur le sol résonna mélodieusement. De plus, il ne prévit pas la férocité du gladiateur qui les fit chuter dans l’eau des thermes.

Quelques secondes et la silhouette de l’esclave sortit de l’eau telle une marionnette qui s’articulait petit à petit, craquant ses articulations. Sa cape, qui avait résisté jusque-là, abandonna les épaules massives pour les laisser paraître à la lueur de la nuit. L’eau, dégoulinante, serpentait le long des fils noirs encrés dans sa peau tandis qu’elle avait imprégné le tissu fin sur le torse. La longue chevelure pâle fit son apparition, trempée. D’habitude volante à l’air libre, il avait réussi à la discipliner et à l’attacher en plusieurs intervalles afin de faciliter ses mouvements. Jamais il n’avait eu autant raison. Dans la noirceur des lieux, la haute silhouette fit face à son adversaire. Ses iris d’or, jusqu’alors passifs, se teintèrent d’un certain agacement. Ce sentiment se propagea au-delà de sa pensée pour atteindre les doigts qui empoignèrent l’arme. En sortant la dague de son fourreau, de fines gouttelettes rejoignirent leurs consœurs des thermes, teintant un instant l’eau d’une couleur violette qui se dissipa.

Droit, sans posture de combat, Shamasis fit face, sans mots ni expressions d visage, à l’homme. La résolution de devoir l’éliminer pesait dans la balance de ses pensées ; mais l’interdiction de blesser un simple témoin s’imposait encore.